Dire à son enfant qu'il est beau est-il nécessaire à sa construction ou bien cela risque-t-il au contraire de le rendre imbus de sa personne et de lui faire accorder trop d'importance au regard de l'autre ? Il y a un peu des deux comme l'explique la pédopsychiatre Florence Millot, auteure du blog pedagogieinnovante.com :
F.M : La première chose est de savoir pourquoi on lui dit qu'il est beau. Si c'est dans le but de lui donner confiance en lui, qu'il y a une intention derrière ce compliment, cela ne fonctionnera pas car ce sera notre peur qu'il ne croit pas suffisamment en lui que l'on lui transmettra et qu'il associera à ces trois mots. En effet, les enfants sont très doués pour ressentir les émotions de leurs parents. Il est donc impératif de ne le lui dire que si l'on le pense. D'autant que de nos jours, les enfants n'ont jamais été autant valorisés et n'ont, paradoxalement, jamais été autant angoissés.
En revanche, si l'on dit à notre enfant qu'il est beau spontanément, avec le coeur, parce que l'on ne peut pas s'en empêcher, presque comme un réflexe, l'impact sera bien meilleur. Mais ce n'est pas tant le mot en tant que tel qui importe que le regard que l'on porte à son petit ange pendant qu'on le lui dit. C'est au travers de l'interaction qu'il a avec nous qu'il se sentira beau ou non.
F.M : Évidemment. Soit les parents ne le trouvent pas beau par rapport à leurs propres attentes, notamment, si les deux parents sont très beaux ou grandement portés sur l'apparence.
Il arrive aussi qu'un parent un peu trop narcissique craigne que son enfant soit plus beau que lui et, de fait, ne cherche pas franchement à le mettre en valeur. Il y a donc des enfants très beaux mais qui à force de s'être sentis rabaissés n'en ont pas conscience.
Il se peut aussi que l'on ne trouve pas son enfant beau parce qu'il ressemble à quelqu'un que l'on n'aime pas - par exemple, à notre belle-mère que l'on n'apprécie pas - l'attachement risque de s'avérer alors plus compliqué.
Enfin, beaucoup de parents sont en mesure de voir quand leur enfant n'est pas esthétiquement très beau, mais notre amour pour lui peut suffire à le rendre beau. On peut aussi l'aider à se valoriser, à s'assumer, et finalement à se trouver beau quand même. Et c'est le fait qu'il se sente en phase avec lui même qui est le plus important.
F.M : Non, car ce ne sont pas les mots qui comptent mais l'intention. Si on a un regard bienveillant, empli de tendresse pour l'enfant, si l'on lui sourit, on n'a pas forcément besoin de lui dire qu'on le trouve beau, l'enfant le ressent. Ce dont nos progénitures ont besoin c'est que l'on leur accorde de l'attention, que l'on soit là pour elles.
Toutefois, quand l'enfant est petit, c'est bien de réussir à le lui exprimer de temps en temps, car à ce stade, il croit ce qu'il voit (ou ce qu'il entend). C'est donc important qu'on lui dise "je t'aime" ou "tu es beau" mais pas nécessairement tous les jours.
F.M : Tout comme le lui dire en vue de booster sa confiance en lui, lui rabâcher qu'il est beau revient à essayer de l'en persuader, le message qui sera alors transmis à l'enfant est qu'on a peur qu'il ne soit pas suffisamment beau. Peut-être inconsciemment aussi que l'on espère qu'il nous flatte en retour en nous disant par exemple qu'on est la meilleure des mamans. De la même manière qu'une personne qui dit à son fils "je t'aime" tous les jours est révélateur d'une crainte de ne pas être aimée. On lui dit qu'on l'aime à tout bout de champ pour qu'il nous le dise en retour.
F.M : Si l'on lui répète à longueur de journées qu'il est le plus beau, l'enfant va ensuite avoir constamment besoin du regard extérieur pour lui-même se trouver beau. Le compliment initial finit par perdre sens à force d'être rabâché. Placé sur un piédestal, physiquement parlant, il peut aussi devenir condescendant. "Je suis beau et tous les autres sont moches". Tout comme il est inutile de répéter toute la journée à quel point on l'aime, on évite aussi, donc, de dire sans cesse à son enfant qu'il est beau.
L'idée est aussi de ne pas se contenter de flatter son physique mais, par exemple, de demander à son fils/sa fille ce qu'il/elle aime chez lui/elle, quels vêtements ou coiffure l'aideraient à se mettre en valeur, à se sentir attrayant/e. L'enfant doit apprendre à se trouver beau lui-même, c'est là tout le challenge. En outre, les enfants n'apprécient pas forcément d'être complimentés sur leur physique à longueur de temps. Je reçois des jeunes mannequins dans mon cabinet, et ces compliments sur leur physique dont ils font l'objet en permanence leur fichent la pression. D'autant que ce ne sont pas de vrais regards qui sont portés sur eux, plutôt une sorte d'admiration, d'envie, dépourvues d'amour, et ils ne se sentent pas forcément beaux, simplement coincés dans leur image.
F.M : Mon conseil serait de demander à l'enfant ce qu'il préfère chez lui : est-ce que c'est son humour, sa beauté, son intelligence, son côté sportif ? L'intérêt est de savoir comment lui se perçoit et ce qu'il a envie de mettre en avant afin de l'aider à développer son plein potentiel, à s'ouvrir davantage. En somme, partir de ses goûts, ses compétences, afin de l'aider, ensuite, à en valoriser d'autres. Une fois qu'il aura confiance en lui, l'enfant sera en mesure de se détacher du regard des autres, de se sentir libre d'être qui il veut. Et c'est ce sentiment qui finalement le rendra beau, intelligent, etc.